En pleine moitié
du XIXème siècle, tous les habitants du petit village de Norgeat,
vont-ils s'unir pour construire, par leurs propres moyens et sans aucune
aide quelconque, leur église.
Tout
a commencé en 1836, à la mort du sieur Joseph Pujol du hameau de Norgeat
qui avait légué aux habitants de son village (par testament du 13 mars
1835) "un champ attenant les maisons, pour qu'il y soit établi, dans
l’espace de dix ans, une chapelle pour y célébrer l'office
divin".
Ce legs
devait être pour le moins embarrassant, car ce n'est que le 26 janvier
1838 qu'une demande officielle est adressée par l'adjoint de la commune :
Raymond Gabarre, de Norgeat au préfet de l'Ariège, pour s'informer des
modalités nécessaires à la réalisation de cette entreprise.
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Une
commission syndicale de cinq membres (tous de Norgeat) est créée pour étudier
le projet et, après l'acceptation de principe par le conseil municipal de
la commune, l'accord préfectoral est donné le 8 mai 1838 ; il sera
renouvelé le 8 mai 1842.
Pendant
cette période de quatre ans, on s'était occupé de recenser les moyens
sur lesquels on allait pouvoir compter pour faire aboutir les vœux du
testateur. Ce faisant, les Norgeatois s'étaient coupés du reste de la
commune, dont les habitants se refusaient à supporter un nouvel impôt
pour une cause à laquelle ils n'adhéraient pas.
Aussi,
en février 1843, le maire (Jacques Bacou) sollicite-t-il l'évêque de
Pamiers, afin qu'il s'oppose à la construction envisagée, estimant que
l'église existante était plus que suffisante pour le service de
l'ensemble de la commune.
A
la même époque, et devant la détermination des habitants de Norgeat, le
préfet demande la création d'un "Rôle de souscription
volontaire", qui sera établi comme suit :
pour 82 familles, soit
470 personnes (population totale de la commune en 1841 - 1504 habitants)
le montant des fonds recueillis s'élève à 1 555 francs (soit un total
équivalent à la moitié environ du budget communal annuel) et la
main-d’œuvre fixée à 11605 journées de travail d'hommes, 153 de
vaches, 153 de chevaux et 187 de soliveaux".
Au
mois d'avril de la même année, l'architecte départemental se rend sur
place pour étudier la construction de la chapelle : un édifice de 25 m
de long sur 10 m de large, orienté sud/nord constitué d'une simple
nef dépourvue de la moindre originalité. Son projet sera accepté et les
travaux débuteront rapidement. Ils ont été confiés à un maçon d'Orus,
Antoine Petit. Un piètre entrepreneur semble t-il, puisqu'au
mois de Mars 1846 des lézardes apparaissent dans les murs de la
construction à peine terminée. Autorisation est alors sollicitée de la
préfecture pour poursuivre le responsable en justice, mais une
transaction interviendra en Avril 1847 et un autre maçon effectuera les réparations
nécessaires.
C'est
le 23 Septembre 1849 que sera créée officiellement, par l'évêque de
Pamiers Monseigneur Alouvry la paroisse de Norgeat et ouverte au
culte l'église Saint Hilaire (celle d'Arquizat avait déjà ce saint pour
patron).
En
début d'année 1850, le curé de Tarascon (Carbonne) par délégation de
son évêque procédera à la bénédiction de cette église ainsi que
d'une cloche en présence de plusieurs prêtres du Vicdessos et du curé
d'Arquizat (Jean-Paul Augé).
Ladite
cloche (la petite : 200 kg environ) porte les inscriptions : "Saint
Hilaire priez pour nous. Parrain : Raymond Gabarre ; marraine : Thérèse
Pujol. Martin, fondeur à Foix, 1849". Sur la panse : "Jean
Fadel, Paul Gabarre, Joseph Salvaing, Jean Pujol". Pour décor, il y
a le Christ en croix. Elle ne sera qu'installée provisoirement car le
clocher de l'église n'est pas encore construit.Le
grand jour arrive enfin pour tous les fidèles du village. Par décret du
Président de la République (Louis Napoléon Bonaparte) en date du 25 février
1851, l'église de Norgeat est érigée en succursale et ce, malgré
l'opposition réitérée d'une majorité du conseil municipal de Miglos
qui, à l’issue de la session extraordinaire du 12 Avril 1850, en avait
appelé à l'autorité préfectorale. |
Crédit photo
Gérard Lafuente |
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Il ne manque donc plus
qu'un desservant à cette nouvelle paroisse. L'évêque de Pamiers va y
pourvoir en désignant Théodose Bedel, qui prend ses fonctions pastorales
le dimanche 13 Juillet 1851, à l'occasion d'une messe solennelle à
laquelle assistent tous les habitants du village sous la conduite du
Conseil de Fabrique et des "marguilliers". Dans une
communication faite en 1897 à la Société Ariégeoise des Sciences,
Lettres et Arts, l'abbé Sabas Maury (qui a été curé à Miglos de 1890
à 1906) définit les "marguilliers" : "des employés qui
servent l'église, passent les plats pour la quête, allument les cierges,
distribuent le pain bénit, font les quêtes à domicile, etc. Il y a 6
marguilliers, changés chaque année à la messe du jour de l'an; ils sont
désignés sans avoir préalablement été consultés et le curé proclame
le nom des élus au prône... De la sorte, tous les paroissiens, à tour
de rôle, doivent servir l'église... Après la messe, et devant la croix,
ils doivent prêter serment de fidélité et de zèle, pour le service du
Temple Saint". D'après l'auteur, cette curieuse et ancienne coutume
est propre à Miglos et on ne la retrouve pas ailleurs. Ceci est inexact
et, dans certaines régions, les "marguilliers" sont désignés
sous le terme de "fabriciens".
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Crédit photo Joël Gardes-Ladène
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En
juillet 1851, le presbytère n'est pas encore construit ; aussi, un
paroissien va t’il fournir gratuitement une bâtisse pour loger le prêtre
(bail retenu par Me Teulière, notaire à Capoulet). Commencé le 1er Mars
1852, le presbytère "payé avec les seuls deniers des habitants de
Norgeat" sera terminé le 1er Mai 1853.
Qui
dit église pense également cimetière. Les Norgeatois y avaient songé dès
que l'autorité épiscopale avait livré leur église au culte (fin d'année
1849) et un champ avait été acheté pour cet usage. Les inhumations s'y
pratiqueront avant même que soit accordée, en 1851, l'autorisation préfectorale,
qui avait été consentie à la suite du résultat favorable de
l'expertise réalisée par le médecin Justin Teulière, de Tarascon.
En
1852, le curé Bedel plante huit cyprès dans le cimetière ; l'un d'eux y
dressait encore naguère se haute silhouette en quenouille.
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Mais le champ de
repos "d’une superficie de 3 ares et 33 centiares"
va, s'avérer rapidement trop exigu. En effet, dans le courant de l’été
1854, le choléra ravage nos contrées. Il fait son apparition à Arquizat
le 3 septembre et atteint Norgeat le 10. Entre le 3 septembre et le 22
octobre 1854, le « maichant mal » va provoquer à Miglos la
mort de 234 personnes, dont 56 à Norgeat. Moyennant quoi, au recensement
de 1856, la commune compte seulement 1037 habitants, alors que l'on en dénombrait
1305 en 1851. Le cimetière sera agrandi une première fois (de 5 ares, côté
nord) en 1855, puis (côté ouest, de 3 ares et 50 centiares) l'année
1892.
Crédit photo
Gérard Lafuente |
Au
mois de juin 1863 a été construit le mur-clocher de l'église et,
le 19 Juillet, le curé d'Arquizat (Jacques Célestin Daran) a béni la
deuxième cloche (la grosse : 300 kg environ) qui porte : "Parrain :
Hubert Daraux ; marraine : Victoire Pujol, veuve Sérac. L'an de Jésus-Christ
1863. Louison, fondeur", et pour décor : étoiles sur le cerveau ;
étoiles et rosaces sur la gorge ; feuilles d'acanthe et têtes d'anges
ailées sur la panse ; Sainte Vierge et Christ en croix sur la gorge. |
Ainsi,
le premier dimanche d'août 1863, les deux cloches ont sonné à la volée
pour la première fois. Ce carillon égrenait cependant quelques notes
dissonantes. L'an 1863 voit effectivement l'épilogue d'une affaire qui
avait opposé, dix années durant, le curé et le conseil de Fabrique à
Antoine Gabarre, au sujet de la construction d'une grange vis à vis de la
porte d'entrée de la chapelle. A la suite des avis favorables donnés par
le maire de la commune Jacques Bacou et son adjoint Joseph Pujol
Lemagnoutat, de Norgeat. Le nouveau préfet de l'Ariège avait autorisé
la construction jusque-là interdite.
Devant
cet échec, le curé Bedel avait noté sur le registre paroissial
:"Honte et horreur pour toujours à ces deux administrés !".
Bel exemple de tolérance religieuse, en vérité.
Et
les années passent... En juillet 1870, le curé Bedel quitte Norgeat pour
Niaux ; il sera remplacé, le 15 septembre de la même année, par Louis
Théodore Rouzaud. On ne relève rien de très marquant dans la vie
paroissiale du hameau pendant le ministère de ce prêtre, qui a duré
plus de vingt ans.
A
son arrivée à Norgeat, le curé Rouzaud doit faire effectuer des réparations
au sanctuaire, dont les murs se lézardent. Les travaux (coût 400 francs)
seront réalisés par Boniface Soucarre, maçon de Miglos. En 1883, c'est
la toiture du presbytère qui sera rénovée par Raymond Soucarre (coût
de cette opération 550 francs). Courant 1892, le plafond et le plancher
du galetas de ce même édifice vont être également refaits ; les
travaux se chiffreront à 635 francs.
Louis
Théodore Rouzaud quitte la cure de Norgeat le 26 Novembre 1892, pour
aller officier à Villeneuve du Couserans. Son départ va coïncider avec
la suppression de la paroisse de Norgeat, qui sera effective le 1er décembre
1892.
Cette
suppression sonne le glas pour le village. Et, malgré la construction
d'une belle école (décidée en 1882, la réalisation débutera seulement
en fin d'année 1891 et l'inauguration n'aura lieu qu'en 1894) rien ne
pourra plus stopper l'irrémédiable déclin de Norgeat. Les autres
hameaux de la commune, comme d'ailleurs tous les villages de montagne ariégeois,
connaîtront le même sort.
A
la fin du XIXe siècle, l’opiniâtreté des contestataires Norgeatois amènera
l'évêque de Pamiers à leur donner, pour quelques mois seulement, un
nouveau prêtre Jean-Baptiste Mazenc (7 août 1898 / 31 janvier 1901).
Après quoi , c’est le
curé d’Arquizat (en 1901 , l’abbé Sabas Maury) qui prendra définitivement
en charge les fidéles de Norgeat. A son tour, la paroisse de Miglos sera
supprimée le 1er janvier 1962 et rattachée à Niaux, à la mort du curé
Joseph Teulière. Ce prêtre a été inhumé au cimetière du village
d'Arquizat, localité où il était arrivé en 1911. Actuellement, et
depuis plusieurs années, c'est le curé de Tarascon qui s'occupe de la
paroisse de Miglos.
Dernier
déchirement pour les gens de Norgeat, "l'Inventaire des biens de l'église",
réalisé en application de la loi du 9 décembre 1905, relative à la Séparation
de l'Eglise et de l'État. Cet inventaire fut dressé le 26 février 1906
par Ernest Chausson (percepteur de Tarascon) en présence de Pierre
Crastres, président du bureau des marguilliers et du conseil de fabrique
de Norgeat.
A
sa lecture, on peut se rendre compte de l'importance des donations qui
avaient été faites par les paroissiens au profit de leur église. En
effet, l'estimation globale des biens est chiffrée à 12 437 francs.
Eté
1979 : quelques jeunes gens du hameau (tous bénévoles) nettoient l'église
de fond en comble. Un don anonyme (dont le montant est à répartir entre
les divers bâtiments publics de la commune) permet ensuite d'y effectuer
quelques travaux urgents de restauration. Un hommage aux bâtisseurs, en
quelque sorte... Quant au presbytère, il a été aménagé en logements de vacances
en 1981.
Source
Bulletin Association des Amis du château de Miglos AACM Gérard
LAFUENTE Août 1983
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