200 grottes sont recensées
dans la
Haute Ariège,
7 voire 8 ont été fortifiées
et occupées au
Moyen Age.
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Crédit photo Simon Gardes Août 2007
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C’est l’historien A. Garrigou qui le
premier s’intéresse au siècle dernier aux grottes fortifiées de l’Ariège,
il leur donne le nom de «spoulga».
Ce nom, contraction du latin spelunca,
signifie caverne, antre, grotte. Dans les actes médiévaux on
emploie aussi cauna, spelonca, espulga ou espugue.
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Les spoulgas sont des grottes barrées d’un mur, elles sont toujours
« perchées » profitant de leurs défenses naturelles. On en connaît
au moins deux dans la vallée de Vicdessos, à Baychon et à Alliat (peut être
une troisième, la spoulga de Campanal, sous le château de Montréal-de-Sos).
Ce sont, en quelque sorte, des châteaux
peu coûteux construits au XIIème siècle alors que l’expansion rapide du
nombre des fortifications comtales devaient poser de sérieux problèmes de
financement aux Comtes de Foix.
Dans un acte en date du 27 Janvier 1213
(Concile de Lavaur) le comte de Foix Raymond Roger de Foix remet toutes ses
terres à Pierre le Catholique (Pierre II) roi d’Aragon avant la bataille de
Muret. Cet acte garantit sa soumission à l’église de Rome qui se prépare à
anéantir les cathares.
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Crédit photo Gérard Lafuente Fév 2000 |
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Pierre II d’Aragon périra au coté de
Raymond VI de Toulouse et de Raymond Roger de Foix lors de la bataille de Muret
au sud de Toulouse (12 Septembre 1213) face à Simon IV de Montfort. Cette
croisade contre les Albigeois (1209-1229) est proclamée par le pape Innocent
III contre l’hérésie, principalement le catharisme.
Cet acte reprend:
17 châteaux : Foix, Montgaillard, Castelpenent, Tarascon, Aynat, Rabat,
Génat, Junac, Vicdessos, Châteauverdun, Unac, Lordat, Niaux, Miramont,
Montoulieu, Montréal et enfin Miglos
6 « caougnos » : Soulombrie, Subitan, Ornolac,
Verdun, Arnave, et Alliat.
Il n’est pas question dans cet acte de Baychon ,
l’hypothèse que Subitan soit la caougno de Baychon est avancée.
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Forteresses du
Haut-comté de Foix dénombrées
dans le serment du 27 Janvier 1213 |
La "Caougno paredado"
(grotte murée) c’est ainsi que les habitants de Miglos l’appellent, est située
sous la crête de Coume Quille "Coumo Quillo" . On peut l’apercevoir de la route
en montant à gauche juste avant d’arriver à Baychon.
La grotte de forme ogivale, d'environ 8 m de
haut et 4 m à la base est barrée par un mur de grosses pierres liées au
mortier, d'une épaisseur de 50 à 60 cm, s'élevant à mi-hauteur de l'entrée.
Une porte est aménagée dans cette muraille
ainsi qu’une petite ouverture. Aucune archère n’est présente
comme dans toutes les premières fortifications troglodytiques. Il devait
exister un système de cordes ou d’échelle permettant d’accéder à la
grotte ainsi que des créneaux comme dans
d’autres spoulgas.
Passé l’entrée le sol s'élève de
quelques mètres et l'on accède à une plate-forme exiguë, limitée par la
hauteur de voûte. A peine 10 m nous séparent de l'entrée.
On distingue, creusées au même niveau sur
les parois calcaires des trous mortaises
servant aux solives de plancher. Le
plancher devait s'appuyer au mur
d'entrée et donnait une surface d’environ 40 m2.

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topo de la spoulga de Baychon
par Florence Guillot |
topo de la spoulga de Baychon
par Luc Wahl |
Gérard Lafuente nous dit : « La grotte
continue, en direction nord-ouest, par un étroit boyau qui est totalement
obstrué une trentaine de mètres plus loin. Un tel passage permettait-il
de communiquer, à l'époque de la fortification de la "Caougno", avec
l'autre côté de la falaise, sur le versant de NIAUX ? »
Dans le livre « La Baronnie de Miglos »
C. Barrière Flavy décrit en 1894 l’aspect extérieur de la spoulga mais
c’est en 1942 que le Dr M.Cannac du Spéléo Club de l’Aude et de l’Ariège
en donne une description détaillée. C’est lui qui le premier indique la présence
d’un signe en forme d’arbalète gravé dans la roche d’une profondeur de 2
à 4 mm situé au bas de la falaise, à une cinquantaine de mètre avant
d’arriver à l’aplomb de la spoulga.
Son grand axe, orienté S.O./N.E., oblique de
45°, mesure 19 cm ; sa plus grande largeur est de 9 cm. Il présente dans son
ensemble l'aspect d'une arbalète tendue vers le nord/est.
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Le Dr Canac avance qu’il pourrait s’agir
d'un signe cathare, destiné à guider les initiés, afin qu'ils puissent
atteindre aisément la "Spoulga".
Ce point de vue était partagé par A. MAL
Ancien Conservateur des grottes du Sabarthez qui précisait : "La croix à
double traverse est la croix des 7 églises d'Asie grecque ; elle est devenue la
croix des Templiers et a également été adoptée par les Cathares".
On peut
noter que la croix à double traverse doit sa forme à la croix chrétienne, la
petite traverse représentant l’écriteau (titulus crucis) que Ponce Pilate
aurait fait poser au-dessus du Christ : « Jésus de Nazareth, roi des
juifs » (INRI).
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Crédit Photo Gérard Lafuente Avril 1982 | | |
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"La Grotte fortifiée de Baychon"
Gérard Lafuente,
Bul Association des Amis du château de Miglos AACM
Autre
parution : La
spoulga de Baychon, Magazine de l’Ariégeois, Janv. 85, p. 40. |
Pour information lors du IIème Concile de Latran 1139 le pape Innocent
II (1130-1143) avait interdit l'utilisation de l'arc et de l'arbalète entre
chrétiens "...prohibe cet art mortel et odieux, que Dieu repousse, des
arbalètes et des flèches qui sont dirigées contre des chrétiens et
catholiques..." (Canon 29), interdiction renouvelée par Innocent III
(1198-1216) au début du XIIIème siècle, ce qui n'empêche pas les
grands de ce monde d'en avoir dans leurs armées.
J. MANDEMENT indique que cette "Caougno"
a servi de refuge aux Huguenots, mais que son origine pourrait se situer du
temps de Charlemagne, En 778, Charlemagne empereur carolingien établit son camp
aux environs de Tarascon afin de se battre contre les sarrasins.
Alors signe carolingien, huguenot, cathare ?
D’après les dernières études cette spoulga
n’aurai rien de Cathare, Florence Guillot
chercheuse en histoire et archéologie médiévale
pense que ces
ouvrages sont des casernes des comtes de Foix qui appartiennent au réseau de
fortifications comtales sur la haute Ariège, glacis militaire qui se met
en place au XIIème siècle et est désengagé graduellement à partir du
XIVème
siècle.
Dans la doctrine militaire un glacis est
l’ensemble des territoires voisins fournissant le recul nécessaire au
commandement pour organiser la défense.
Irritante arbaléte...
Ces "irritantes arbalètes" que les archéologues ont remarquées sur
les rochers ou les parois des grottes depuis longtemps, qu' ils ont qualifiées
"arbalétiforme", pas au sens strict des arbalètes. Ils ont vu là des représentations du corps
humain, des archers, et leurs ont attribué exclusivement une origine
protohistorique.

Lucien
Gratté , nous dit que le problème
n'est pas aussi simple et que des arbalètes
similaires apparaissent sur des monuments jamais antérieurs au XII - XIIIéme
siècles. On voit que l'hypothèse médiévale, ou encore plus tardive, est loin
d'être à exclure..
On ne connaît pas d'arbalète protohistorique mais rien ne s'oppose à ce qu'il
y en eut, son utilisation est attestée dans le Gallo-romain IV siècle. La
généralisation de l'arbalète comme arme de guerre n'intervient qu'à partir
du XIIème siècle.( voir concile de Latran 1139).
Un
recensement très utile, réalisé par Lucien Gratté, permet de découvrir 16 sites où apparaissent des gravures
arbalétiformes,
réparties dans tous les grands massifs français ; 24 sites de plein air de la
vallée des Merveilles de la Savoie, des Landes et dans bien d’autres départements,
mais aussi sur les grès du bassin parisien ; et une petite dizaine de monuments
dont certains n’ont été construits qu’au XVIème
siècle.
L’arbalète appartient donc selon toute vraisemblance à un symbole né,
sinon dès la Protohistoire, du moins à l'aube de l'ère chrétienne, ce qui
n'a rien d'étonnant en vertu de sa forme très semblable à celle de la croix.
Mais cette
appartenance n’est certes pas exclusive, vu sa présence dans la vallée des
Merveilles.
Le problème de l'arbalète est donc loin d'être résolu, et son attribution à
telle ou telle époque doit être faite avec la plus extrême prudence.
La "pierre de Rosette" de l'arbalète reste encore à
découvrir...
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Arbalétrier bandant son
arme à l'aide de l'étrier et de la boucle attachée à sa ceinture |
On observe dans la grotte dite de Tuto Dreito (site
de Montréal-de-Sos) une gravure en forme
d’arbalète associée à deux cupules, Il existe de nombreux exemples de cupules associées à
une arbalète dans des murs de monuments non antérieurs au XIIème
siècle comme à
la chapelle Ste-Matrone de Mazères du Salat (Hte Garonne), à la chapelle
castrale de Salies-du-Salat (Hte Garonne), à l’église templière de Montsaunès
(Hte Garonne), en plein air sur la peyro escrito d’Olargues
(Hérault) en bord de drailhe.
(rapport d'évaluation archéologique 2001)
Dans le cas de Baychon, le contexte paraît bien être
médiéval.
Les croyants cathares n'élevaient aucun
monument ni aucun signe ou oeuvre ne serait-ce que pour respecter leur croyance.
Malheureusement, en haute Ariège tout ce que l'on explique pas est toujours
rattaché au catharisme, alors qu'il serait plus honnête de dire qu'on ne sait
pas grand chose sur ce sujet.
En l’an 1250 le frère Raynier nous décrit
les sectes hérétiques cathares et leurs modes de fonctionnement.
Il dit : « Je dis de plus sans hésiter que dans dix-sept années que j’ai passé
avec eux, je n’en ai jamais vu aucun prier en secret à part des autres, ou se
montrer triste ou pleurer pour ses péchés et se frapper la poitrine et dire.
« Seigneur, viens en aide à ce pêcheur » ou quelque chose de ce
genre qui soit un signe de contrition. Ils n’implorent jamais l’aide ou la
protection des anges, ou de la bienheureuse Vierge, ou des saints, ils ne se
munissent pas du signe de la Croix»
Pour plus d'information sur les
croix chez les cathares voir extrait du Registre
de Geoffroy d’Ablis traduit par Jean Duvernoy
"Ils disaient que nul ne devait se
signer, ni avoir foi dans la croix et quelle pût sauver l’homme, mais au
contraire cracher contre elle et lui faire toute avanie, car Dieu y fut mis,
cloué, conspué et tué…"
En conclusion :
La spoulga de Baychon est une fortification
comtale des comtes de Foix, une sorte de
caserne, point fort de l'autorité publique. Elle n'a aucune fonction
religieuse. L'analyse du bâti raccroche la spoulga de Baychon
aux spoulgas du groupe le plus ancien mis en place probablement au XIIème
siècle et abandonnées au cours du XIIIe siècle. Elle ne fut pas réutilisée
plus tard et n'hébergea pas de huguenots ou au moins nous en avons aucune trace
ni dans les documents ni dans le bâti ni dans la céramique que l'on peut y récupérer
par prospection du sol.
Merci à Jean Duvernoy, Florence Guillot, Lucien
Gratté et à Gérard
Lafuente
pour l'aide qu'ils m'ont apporté.

Registre de Geoffroy
d’Ablis
Ms latin 4269 Bibliothèque nationale de Paris
Édition traduction et notes Jean Duvernoy 1980
http://jean.duvernoy.free.fr/text/pdf/geoffroi_d_ablis.pdf
Le manuscrit est le registre des dépositions
recues par Geoffroi d’Ablis de mai 1308 a septembre 1309. Tous les prévenus
sont originaire de la haute vallée de l’Ariège ( Sabartès)
Ils disaient que nul ne devait se signer
du signe de la croix, car c‘était le signe du diable….p192
Ils disaient que nul ne devait se
signer, ni avoir foi dans la croix et quelle pût sauver l’homme, mais au
contraire cracher contre elle et lui faire toute avanie, car Dieu y fut mis,
cloué, conspué et tué…p209
Ils disaient que nul ne devait se signer
de la croix, ni avoir confiance dans le secours quelle pouvait apporter en quoi
que ce soit, mais au contraire chacun devait l’insulter et même cracher
contre elle, pour la raison, disaient-ils, que Dieu y fut placé, martyrise et y
est mort. Voilà pourquoi tout homme qui était amis de Dieu devait hair la
croix…p244
Ils disaient que personne ne devait
adorer la croix, et que son signe ne sert à rien , pour la raison que Dieu
y a souffert la mort et la grande opprobre. Et ils donnaient pour exemple :
si un homme était pendu à un arbre, cet arbre serai toujours en horreur aux
amis et aux parents du pendu, et ils l’insulteraient, et ils voudraient jamais
le voir. De même ce sur quoi Dieu, que nous devons aimer, fut pendu, nous
devons l’avoir en horreur et nous devrions jamais rechercher sa présence…p254
« Quiconque veut me suivre se
renie lui-même, prenne sa croix et Me suive », ce qui est vrai, le Christ
ne parle pas d’une croix d’étoffe de ce genre , et ce n’est pas à
cela qu’il pense, ni aux choses périssables que portent ceux qui font le
passage outre-mer, mais bien de la croix, c’est à dire des bonnes œuvres de
la vie pure et de cela , « Me suit », se renie lui-même et « porte
sa croix », et non une croix de corruption comme est
l’autre…p254
Mais je ne l’entendis pas dire de
choses qui sentent l’hérésie, sauf que quand je fis le signe de croix sur la
table, en commençant de manger, il
dit : « Faites le signe de la croix sur votre part, et non sur celle
des autres ». Mais il dit cela en riant, Lui ne fit pas le signe de croix
sur la table, mais il prit un morceau de pain, et au dessus le Pater noster, à
ce qu’il me sembla, le rompit et donna de ce pain…p268

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